Avis relatif à la prise en charge du corps d’un patient décédé infecté par le coronavirus (Covid19)

Dans le cadre de ses prérogatives, le conseil Français du Culte Musulman (CFCM) s’est penché sur la meilleure prise en charge possible du corps d’un défunt musulman décédé suite à une infection par le coronavirus (Covid19).

La prise en charge des corps de personnes décédées et non infectées du coronavirus continue d’avoir lieu dans les conditions habituelles. Toutefois, il faut respecter les consignes de sécurité et de prévention concernant les rassemblements.

Cet avis à destination des musulmans de France s’appuie sur l’avis rédigé par un groupe d’experts, membres ou non du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) et validé le 18 février 2020 ainsi que sur les avis de théologiens musulmans.

PROPOS PRÉLIMINAIRE

S’agissant des corps personnes décédées suite à une infection par Coronavirus (Covid 19), il faut d’emblée préciser que le protocole préconisé par le HCSP laisse très peu de place à l’intervention du personnel funéraire avant la mise en cercueil du défunt.  En effet, de nombreuses manipulations, comme le port de combinaison protectrice et son retrait, nécessitent une formation et l’exécution de protocoles précis. En général le personnel de santé y est formé contrairement au personnel funéraire. Il faut donc prendre en compte les recommandations du HCSP qui sont de bon sens et ne s’opposent nullement aux dispositions du droit musulman qui, tout en respectant la dignité du défunt, donnent naturellement la priorité à la santé des vivants.

S’agissant des corps des personnes décédées et non infectées du coronavirus (Covid 19), leur prise en charge continue d’avoir lieu dans les conditions habituelles. Toutefois, pour la prière mortuaire, il faut respecter les consignes de sécurité et de prévention concernant les rassemblements en terme d’effectifs et d’espacement de plus d’un mètre entre les participants.

  • S’agissant des éléments de contexte

Le HCSP a pris en compte les éléments suivants :

  • La survie de la plupart des agents infectieux est très allongée dans les produits biologiques et il faut considérer par principe que le risque de contamination est le même chez un patient décédé que chez le malade vivant. Les risques les plus importants sont les risques d’exposition au sang (piqûre ou coupure) et aux liquides organiques ainsi que les risques d’aérosolisation ;
  • Tout corps de défunt est potentiellement contaminant et les précautions standard doivent être appliquées lors de la manipulation de tout corps ;
  • Le virus est retrouvé dans les voies aériennes supérieures et potentiellement dans les voies aériennes profondes et le système digestif ;
  • L’excrétion du Coronavirus (COVID 19) peut être retrouvée dans les liquides biologiques dont les selles, même s’il n’est pas certain que le virus excrété par ces voies soit encore infectant ;
  • La manipulation d’un corps peut exposer le personnel le manipulant à des germes à transmission aérienne.
  • La manipulation des draps peut entraîner l’aérosolisation des germes qui se sont déposés sur les surfaces ;
  • La recommandation du HCSP de 2009 relative à la mise en bière immédiate dans un cercueil simple et l’interdiction des soins de corps pour les personnes décédées des pathologies suivantes : Rage, Tuberculose active non traitée ou traitée pendant moins d’un mois, toute maladie émergente infectieuse transmissible (SRAS, grippe aviaire…).
  • Recommandations du HCSP

Les recommandations ci-dessous doivent être mises en œuvre par des professionnels formés en cas de décès en dehors d’un établissement de soins. Le HCSP recommande :

  • Pour le personnel soignant :
    • Le respect des précautions standard et complémentaires de type air et contact soit maintenu, même après le décès du patient, quel que soit le lieu de prise en charge (y compris en cas de réalisation d’une autopsie) ;
    • Le personnel devant procéder au bionettoyage de la chambre applique les mesures de précaution préconisées pour la prise en charge du patient infecté ;
    • Le corps puisse être lavé uniquement dans la chambre dans laquelle il a été pris en charge, à l’aide de gants à usage unique sans eau à éliminer dans la filière d’élimination des déchets d’activités de soins à risques infectieux (DASRI) ;
    • Un brancard recouvert d’un drap à usage unique soit apporté dans la chambre pour y déposer le corps ;
    • Le corps soit enveloppé dans une housse mortuaire étanche hermétiquement close ;
    • La housse mortuaire soit nettoyée avec un bandeau de lavage à usage unique imprégné d’un produit détergent, puis rincée à l’eau du réseau avec un autre bandeau de lavage à usage unique à éliminer dans la filière DASRI ;
    • La housse mortuaire soit désinfectée (avec de l’eau de javel à 0,5 % avec un temps de contact de 1 minute).
  • Pour le personnel funéraire :
    • Le corps dans sa housse recouverte d’un drap soit transféré en chambre mortuaire ;
    • La housse ne soit pas ouverte ;
    • Les précautions standard soient appliquées lors de la manipulation de la housse ;
    • Le corps soit déposé en cercueil simple, répondant aux caractéristiques définies à l’article R. 2213-25 du code général des collectivités territoriales et qu’il soit procédé sans délai à la fermeture définitive du cercueil ;
    • Aucun acte de thanatopraxie ne soit pratiqué.
  • S’agissant des éléments du droit musulman

S’occuper des funérailles est une obligation collective (Fard Kifâya) : Si une partie de la communauté s’en occupe, le reste en sera exonéré.

Certaines dispositions rituelles telles que la toilette mortuaire, la mise du corps du défunt dans un linceul et la prière mortuaire peuvent être aménagées compte tenu du principe de la préservation de la vie de celui qui procède au rituel funéraire.

  • S’agissant des ablutions (toilette mortuaire)

Le cas du lavage mortuaire d’un défunt décédé par une maladie contagieuse a été exposé il y a quelques années avec la maladie SARS. Des savants ont répondu à ce sujet en se basant sur les principes et fondements du droit musulman dont voici quelques éléments :

  • En cas d’impossibilité du lavage, on passe au versement de l’eau sur le corps. En cas d’impossibilité du versement de l’eau, il faut faire les ablutions sèches (tayammum).
  • Certains savants admettent que le tayammum n’est pas un substitut du lavage obligatoire vu que le lavage est instauré pour le nettoyage et non pas pour la pureté rituelle (tahâra). Selon eux, le défunt peut être enterré sans lavage ni tayammum.
  • Ainsi, si les médecins experts interdisent le contact avec le défunt y compris le lavage et le tayammum, il est possible de prier sur le défunt directement sans lavage ni tayammum.
  • Dans les maladies contagieuses, la nécessité de préservation des laveurs aboutit à l’exemption de l’obligation du lavage mortuaire. Mais cette exemption se restreint aux limites de ladite nécessité. Ainsi, les médecins experts définissent les limites dans lesquelles il est permis à quelqu’un de laver le défunt infecté. C’est pourquoi on ne recourt pas à l’exemption du lavage ou du tayammum qu’après la prise en compte des mesures de préservation des laveurs afin de les préserver de contracter la maladie. Il faut aussi que les laveurs soient expérimentés avec les mesures de précautions et ne les prennent pas à la légère.

Le HCSP recommande que le corps puisse être lavé uniquement dans la chambre dans laquelle il a été pris en charge, à l’aide de gants à usage unique sans eau. En d’autres termes, aucune des deux formes d’ablutions prévues par le droit musulman (Ghusl et tayamum) n’est possible. Dans ce cas les ablutions perdent leur caractère obligatoire.

  • S’agissant de l’enveloppe du corps par un linceul (Kafane)

 Le HCSP recommande que le corps soit enveloppé dans une housse mortuaire étanche hermétiquement close. Cette house peut faire office de linceul, puisque la finalité de l’enveloppe est la sauvegarde de la dignité du défunt.  Le linceul pourra être déposé sur la housse qui ne doit en aucun cas être ouverte.

  • S’agissant de la prière mortuaire (Salat Janaza)
  • La prière mortuaire pourra avoir directement dans le cimetière, en respectant les consignes de sécurité et de prévention concernant les rassemblements et concernant aussi l’entretien du corps du défunt.
  • La prière pourra se faire, si la situation l’exige, sur la tombe après l’enterrement.
  • Si la prière mortuaire est organisée dans une mosquée, en raison par exemple du rapatriement du corps vers le pays d’origine, il convient de privilégier les mosquées disposant d’un espace extérieur et y permettant l’accès du véhicule transportant le cercueil. Dans ce cas aussi, les consignes de sécurité et de prévention concernant les rassemblements doivent être respectées. Le cercueil pourra rester dans le véhicule.
  • Il faut noter également que le rapatriement vers le pays d’origine des corps de défunts décédés suite à une infection par le coronavirus (Covid19) n’est à ce jour pas possible.

La tradition prophétique est d’enterrer les personnes dans la région où elles sont mortes et le plus rapidement possible (juste après la prière mortuaire), ainsi dans notre pays la France, nous avons déjà des cimetières musulmans et des carrés musulmans. Par conséquent, il est inutile et inapproprié de procéder au rapatriement du corps dans un pays d’origine notamment dans ces cas précis de pandémie et des difficultés occasionnées.

Nous devons procéder au cas par cas et ce sont toujours les personnes formées et bien informées qui devront procéder à la manipulation des corps et des cercueils.

N.B. Ces recommandations, élaborées sur la base des connaissances disponibles à la date de publication de cet avis, peuvent évoluer en fonction de l’actualisation des connaissances et des données épidémiologiques.

Document format PDF à télécharger au:

dispositions funéraires dans le cas CORONAVIRUX-V5

Paris, 17 mars 2020

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