Mise au point Sur les affirmations du recteur de la mosquée de Paris

Dans sa lettre ouverte en date du 7 mai 2021, le recteur de la Mosquée de Paris a laissé entendre, dans des termes qui ne sont pas dignes de l’institution qu’il représente, que les communiqués du CFCM auraient servi au ministère de l’intérieur d’arguments pour refuser l’aménagement du couvre-feu, pour la nuit du 8 au 9 mai, demandé par la mosquée de Paris.

En d’autres termes, le Conseil d’État, la plus haute juridiction de notre pays, aurait été influencée par des communiquées du CFCM dans la décision qu’il a rendue. Attribuer au CFCM un tel pouvoir c’est méconnaitre le principe d’indépendance de la justice et le sérieux avec lequel le Conseil d’État traite les affaires qui lui sont soumises.

Par ailleurs, la lettre du recteur de la mosquée de Paris a été ponctuée par de nombreuses affirmations qui appellent une mise au point :

  1. Il y a à peine quelques jours, le recteur de la mosquée de Paris qualifiait de « simples graffitis » les inscriptions racistes et islamophobes découvertes sur les murs du centre Avicenne de Rennes. Or, aujourd’hui, il affirme que « les attaques contre notre culte ne vont pas cesser ». Cette affirmation pourrait laisser entendre que le refus d’aménager le couvre-feu est une attaque contre le culte musulman.Et que cette attaque serait pire que les propos et menaces islamophobes dont sont victimes les lieux de culte.  

De même, le recteur n’a pas hésité à qualifier de « deux poids – deux mesures » la déclaration du ministre de l’éducation nationale sur un possible aménagement du couvre-feu pour le tournoi de Roland-Garros qui se déroulera entre le 30 mai et le 12 juin 2021.

Il n’est ni juste ni prudent de te tenir de tels propos qui ne feront qu’exacerber un sentiment de victimisation aux conséquences néfastes.

  1. Selon les estimations du recteur de la mosquée de Paris, l’aménagement du couvre-feu aurait permis à 200 000 fidèles de participer à « la Nuit du destin ». S’agissant des flux, nous savons pertinemment que la participation à la prière de « la nuit du destin » est au moins équivalente sinon plus importante que celle de la prière du vendredi. Cette estimation donnerait raison à ceux qui répètent qu’il y a trop de mosquées en France. En effet si on répartit les 200 000 fidèles, à raison de 200 fidèles en moyenne par mosquée, 1 000 mosquées suffiraient aux musulmans de France ! En réalité avec plus de 2500 mosquées que compte la France, l’aménagement aurait déplacé plus de 500 000 fidèles sur près d’un million de pratiquants.

 

  1. Pour le recteur de la mosquée de Paris, le Conseil d’État aurait clarifié la question de l’ouverture des mosquées pour la prière du matin (Alfajr). En réalité, le Conseil d’État n’a fait que confirmer l’existence de la dérogation obtenue par le CFCM le 14 avril 2021. Depuis cette date, cette dérogation est en vigueur sur tout le territoire national. Le CFCM n’a pas souhaité obtenir une exception au couvre-feu, mais plutôt une tolérance autour de 06h00, comme il en existe autour de 19h00. Ce faisant, nous réaffirmons notre attachement au respect des règles communes auxquelles sont soumis indistinctement tous nos concitoyens.

 

  1. Le recteur de la mosquée de Paris qualifie la décision du Conseil d’État du 6 mai 2021 de « référence » et d’«avancée considérable », car pour lui « c’est la première fois que le Conseil d’État était amené à dire que la célébration des rites musulmans dans les mosquées est un droit ». Est-ce à dire qu’il fallait attendre cette décision pour garantir aux musulmans le droit de célébrer leur culte dans les mosquées ? Le conseil d’État a statué sur une demande d’aménagement du couvre-feu et non pas sur un droit constitutionnel bien établi depuis 1905, voire bien avant.

 

  1. L’importance de « la Nuit du destin » n’est pas sujet à débat. Mais la présenter comme « incontestablement le commandement supérieur », ne peut que laisser perplexe quant au sens donné à cette expression énigmatique.

 

C’est l’occasion pour moi de clarifier ma position au sujet de la demande de la mosquée de Paris relative à un aménagement du couvre-feu pour « la Nuit du destin ». Position que je n’ai pas exprimée dans les communiqués du CFCM auxquels le recteur de la mosquée de Paris faisait référence.

Les musulmans de France ont fait preuve d’une attitude exemplaire dans le respect des consignes sanitaires par devoir et dans le seul but de préserver la situation sanitaire de notre pays. Il ne faut pas anéantir leurs efforts par des initiatives hasardeuses et non justifiées.   

A ce jour, seuls les lieux de culte sont restés ouverts alors que tout les ERP (Cinémas, théâtres, musés, bibliothèques…) sont encore fermés. Il n’est pas judicieux de demander davantage au moment où chacun doit faire un effort.

Dans le mode musulman et notamment dans les pays du Maghreb, géographiquement proches de nous et dont la situation sanitaire n’est pas davantage préoccupante qu’en France, les mosquées sont fermées et resteront fermées toutes les nuits de Ramadan y compris « la Nuit du destin ». La prière de l’Aïd n’y sera pas non plus célébrée. Dans certains pays musulmans, un couvre-feu sera même rétabli dans la journée de l’Aïd El fitr pour limiter les déplacements.

Dès lors, il est difficile de comprendre et à fortiori de justifier cette exigence du recteur de la mosquée de Paris au moment où la vigilance est partout de mise.

La sortie progressive du confinement annoncée par le président de la République est prudente et s’étale sur un calendrier qui risque d’évoluer. Il n’est pas prudent d’entamer cette sortie par l’organisation de grands rassemblements. Face à l’ampleur de la pandémie en Inde et au Brésil, les autorités sanitaires mondiales sont en alerte maximale et appellent à la vigilance.

Aussi, j’appelle toutes les mosquées de France qui ne sont pas dans la capacité d’organiser la prière de l’Aïd El Fitr, le 13 mai 2021, dans le strict respect des mesures sanitaires, d’inviter leurs fidèles à prier chez-eux.  

Nous ne le dirons jamais assez : la préservation de la vie doit être notre boussole et rien, absolument rien, ne saurait justifier une prise de risque préjudiciable pour la santé de nos concitoyens.

Paris, le 8 mai 2021

Mohammed MOUSSAOUI

Président du CFCM

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