Pose de la première pierre de la Mosquée Arrahma Roubaix, le 11 mai 2018 Mohammed MOUSSAOUI, président de l’Union des Mosquées de France (UMF)

(…)

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis heureux et honoré d’être associé à ce moment historique pour les musulmans de Roubaix qu’est la pose de la première pierre de la mosquée Arrahama.

Le nom que vous avez choisi, «Arrahma» traduisant la Miséricorde dans toutes ses dimensions, une valeur essentielle de la foi musulmane, puisque le prophète de l’islam n’a été envoyé que miséricorde pour les univers selon

l’expression coranique. Cette appellation doit nous rappeler qu’une mosquée doit être aussi et surtout un lieu de transmission de ces valeurs si importantes pour le vivre ensemble dans nos cités.

Permettez-moi de rendre un vibrant hommage à toutes celles et à tous ceux qui contribuent à la concrétisation de ce projet et à toutes celles et à tous ceux qui nous honorent par leur présence aujourd’hui.

Cet événement heureux que nous célébrons, en la présence des représentants de l’Etat et des collectivités locales, témoigne d’un réel ancrage des institutions musulmanes dans le paysage cultuel de notre pays et marque la volonté de la République de permettre aux musulmans de France, dans le respect du principe de laïcité, d’exercer leur culte dans des conditions dignes.

La situation du Culte Musulman dans cette région ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui sans l’action des collectivités locales, notamment celle de Monsieur le Maire de Roubaix et de son équipe ainsi que les représentants de l’Etat, notamment Monsieur le Préfet du Nord.

Je salue tout le travail accompli par le Président Mohammed Wahbi et son équipe sans oublier les fidèles, notamment les femmes, toujours aussi nombreux et présents. La mosquée a été édifiée avec leur soutien et le soutien de tous les citoyens de Rubaixl. Sa réalisation est le symbole de leur unité au- delà de leurs sensibilités, de leurs origines, ou de leurs convictions.

Je saisis cette occasion pour rendre hommage et exprimer toute notre reconnaissance aux représentants des autres cultes qui n’ont cessé d’apporter leur soutien et leur solidarité fraternels aux représentants du culte Musulman.

Mesdames et messieurs, permettez-moi de vous faire part de mes sentiments et des réflexions qui s’entremêlent en pareil moment dans mon fort intérieur, dans mon cœur et dans ma pensée.

C’est d’abord le sentiment partagé avec les responsables de l’association porteuse du projet d’un devoir en partie accompli et d’une prière exhaussée. Car dans la tradition musulmane l’acte de naissance d’un lieu de culte se produit d’abord par la volonté et la permission divine comme on peut le lire dans les versets 36-37 du chapitre 24 du saint Coran.

« C’est cette lumière qui éclaire les temples que Dieu a permis d’élever afin que Son Nom y soit invoqué, et où Le glorifient, matin et soir, des hommes qu’aucun négoce ni transaction ne détournent de la joie d’exalter le Seigneur » (chapitre 24-Verset 36-37).

J’ai dit le sentiment du devoir accompli en partie, car la pose de la première pierre, étape essentielle dans le projet, annonce le début de la construction qui exige de tous davantage d’efforts et d’engagements.

Monsieur le Président Mohammed Wahbi et toute l’équipe qui vous entoure, si ça vous rassure, sans pour autant vous dispenser de la grande tâche qui vous attend, l’expérience a montré que tout projet de mosquée entamé a été finalement achevé !

Les fidèles qui fréquentaient depuis plusieurs années le lieu de culte qui s’élevait à cet emplacement et qui laisse grande place à la future et belle mosquée Arrahma, doivent être impatients de voir le projet achevé. Toutefois, je pense qu’ils mesurent également la chance qui est la leur de disposer provisoirement tout au long de la construction, à quelques mètres d’ici, d’un lieu de culte digne.

C’est l’occasion pour moi de rendre un vibrant hommage à Monsieur le Maire de Roubaix qui par son action a marqué sa volonté constante de permettre, dans le respect du principe de laïcité, à ses administrés de confession musulmane d’exercer leur culte dans des conditions dignes.

A ces sentiments partagés de devoir accomplie et de responsabilité accrue, je ressens comme tous les musulmans de France la fierté de vivre en France et de de voir la République tenir sa promesse non seulement de garantir la liberté de culte à tous ses enfants, mais aussi de rendre cette liberté effective en leur permettant de disposer de lieux de culte dignes. La République ne reconnait aucun culte, elle les respecte tous!

La création de lieux de culte contribue au renforcement du lien social dans notre Pays. C’est d’autant plus vrai lorsque leur réalisation se fait, comme ici à Argenteuil, dans le cadre d’un projet accompagné par les pouvoirs publics.

Au cours de mes fonctions du Président du CFCM, j’ai eu l’occasion de rappeler à maintes reprises l’état des lieux concernant l’offre et la demande de lieux de culte musulmans en France.

La France compte environ 2500 lieux de culte pour environ 5 millions de musulmans.

Une étude portant sur les 1612 lieux de culte musulmans ayant participé au renouvèlement des instances du CFCM en 2005, montrait que seuls 65 lieux de culte, c’est-à-dire 4%, avaient une surface totale supérieure à 1000 m2 et 650 d’entre eux soit 40% du total avait une surface inférieur à 100m2.

L’espace total alloué, en France, au culte musulman en 2005, était de l’ordre de 250 000 m2. Selon des statistiques, 1000 000 de fidèles (soit 20 % de la

population musulmane de France) participent à la prière hebdomadaire du vendredi. Même à raison de un demi- m2 pour chaque fidèle, il en faudrait au total 500 000 m2 pour les accueillir dans de bonnes conditions. C’est dire qu’il fallait, au moins, doubler la surface dont disposait le culte musulman pour faire face à la demande à laquelle il était confronté.

Aujourd’hui, nous devons souligner que depuis quelques années, nous connaissons une remarquable phase de rattrapage. Des projets ambitieux ont vu le jour, comme en témoignent les nombreuses inaugurations et la poses de première pierre dont fait partie celle d’aujourd’hui. Il serait utile de mesurer le chemin parcouru depuis. Un vieux sage me disait, Notre Seigneur soit loué, il fut un temps où nous prions dans des caves insalubres, aujourd’hui, nous disposons de mosquées sur plusieurs étages.

Dans un rapport intitulé « La Grande Nation pour une société Inclusive », remis au Premier Ministre Jean-Marc Ayrault, le 1er février 2013, par Thierry TUOT, membre de l’Autorité de la Concurrence, nous pourrons lire sous le titre « Laissons prier les musulmans! », nous pourrons lire :

« …Laissons à l’islam (aux islams, nous n’avons pas à trier) toute sa place de grande religion, laissons son culte se déployer, respectons la pleine liberté de ses croyants.

Et cessons de confondre avec la religion quelques malades mentaux, hélas sans confession, qui – comme hier nos anarchistes – croient que tuer des innocents est un mode d’action politique.

Non, l’islam ne génère pas le terrorisme, il n’est pas inscrit dans ses gènes. Comme toute religion et comme aucune n’y a fait exception, l’histoire le montre assez, elle a ses obscurantistes et ses fanatiques.(…). À cela aucune

pitié de notre part, bien sûr : mais ils sont dans notre pays, rares, minoritaires, et sans rapport aucun avec l’islam », fin de citation de monsieur le Rapporteur Thiery Tuot.

Enfin avant de conclure, permettez-moi de revenir brièvement sur le texte intitulé « Manifeste contre le nouvel antisémitisme » auquel nous avons réagi au moment de sa publication.

L’Union des Mosquées de France (UMF) est meurtrie et indignée par la haine et la violence dont nos concitoyens juifs sont victimes. Elle est consciente du danger que représente, pour nous tous, ce mal qu’est l’extrémisme se réclamant de l’islam. Combattre ce mal est, depuis la création de l’UMF, une de ses grandes causes. C’est dans cet esprit qu’elle à lancé ses états généraux sur le radicalisme en mai 2014 avant même les attentats terroristes de 2015.

L’UMF tout en réaffirmant avec force sa condamnation ferme et sans appel de l’antisémitisme, ne peut qu’exprimer sa profonde inquiétude face aux amalgames et aux multiples confusions ainsi qu’aux risques de division et de tension, entre les différentes composantes de notre peuple, que peut susciter la publication de tels textes.

L’UMF aurait pu soutenir l’initiative si l’appel avait été unificateur dans la lutte contre l’antisémitisme sous toutes ses formes et pour l’alerte sur la dégradation de la situation que vivent nos concitoyens de confession juive face à ce mal abject.

L’UMF ne pouvait cependant accepter l’association que fait le texte entre l’Islam, les musulmans et l’antisémitisme au point d’en inventer l’expression « antisémitisme musulman » synonyme d’« un nouvel antisémitisme » qui

voudrait presque faire oublier les autres. Cette approche qui ne fait pas la part des choses et les nomme mal, est à la fois contreproductive et dangereuse.

Certains passages de ce texte, tels que ceux concernant les prétendus versets du Coran « appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants,… », sont pour le moins surprenants et inattendus. Ils témoignent d’une méconnaissance manifeste des textes coraniques et de la tradition musulmane. L’Islam qui considère la dignité humaine une et indivisible condamne toute forme de racisme.

Par son manque de discernement et ses conclusions pour le moins inconsistantes, hâtives et malvenues, ce texte qui se voulait un appel à une prise de conscience collective, s’est malheureusement écarté de son objectif en rajoutant en plus de de la confusion.

Dans le combat contre l’antisémitisme, le racisme et la xénophobie qui engage tous les français quelques soient leurs convictions ou conditions, notre pays a besoin plus que jamais de l’unité et de la solidarité de toute ses forces vives.

L’Union des Mosquées de France (UMF), en partenariat avec ses Unions des Mosquées des Région Ile de France (24 mars), Occitanie, (31 mars), les Hauts de France (le 29 avril) , la région Paca ( le 5 mai) a tenu quatre rencontres sur le concept « Jihad », concept de la tradition musulmane, le plus dévoyé, détourné et instrumentalisé par la propagande extrémiste.

Les participants à ces rencontres, venus des différentes régions de France ont pu revenir aux sources de ce concept très présent dans la tradition spirituelle authentique de l’Islam avec notamment son sens de l’effort sur soi pour la lutte contre l’égo et pour l’illumination de l’intellect et de la conscience. Ils ont pu aussi comprendre comment ce concept a été transformé en une arme à tuer

entre les mains de groupes terroristes qui, par un abus de langage dommageable à l’islam et à la tradition musulmane, sont souvent qualifiés de « jihadistes ».

Ces rencontres ont permis de passer en revue les principaux textes du Coran et de la tradition musulmane traitant de ce sujet, ainsi que leur interprétation conforme aux principes et aux valeurs qui animent l’immense majorité des musulmans, savants théologiens ou simples fidèles pratiquants. Les errements et impostures des groupes terroristes ont été dénoncés, et leurs contradictions manifestes avec les principes et les valeurs de la religion musulmane pointées.

L’usage abusif des termes « islamiste » ou « islamisme » qui nourrit l’amalgame entre le terrorisme et l’islam, religion de paix qui sacralise la vie, porte incontestablement atteinte à l’image de la foi musulmane.

Alors que les termes judaïsme et christianisme évoquent naturellement les traditions juives et chrétiennes et leurs apports à la civilisation humaine, le terme islamisme est quant à lui chargé de symboles extrêmement négatifs.

De même les termes « boudhiste », « hindouistes », ou « socialiste » renvoient à l’appartenance à une tradition religieuse ou politique respectables, quant au terme « islamiste », il a une connotation négative. Il est même parfois, pour ne pas dire souvent, employé pour désigner un terroriste se réclamant de l’islam ou supposé comme tel.

Sans me lancer dans une comparaison qui forcément pas raison, il convient de rappeler que des français , qui se réclament attachés à une idée de la France, en toute contradiction avec les principes et valeurs de la France, ont collaboré avec les nazis. Il ne viendrait à aucun français l’idée de qualifier ces collabos de Franco-nazistes. La présence, dans un tel raccourci, du mot « France » aux

côtés du mot « nazis » serait une offense injuste et insupportable pour tous les français que nous sommes.

Prière pour la France

Que la France vive heureuse et prospère. Qu’elle soit forte et grande par l’union et la concorde.

Seigneur, Regarde avec bienveillance notre pays, la France, bénis et protège la République française et le peuple français.

Je vous remercie

                

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